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L’élection de Robert Ménard déclenche l’annulation d’un match de rugby

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L’élection de Robert Ménard déclenche l’annulation d’un match de rugby

05/04/2014 | 14h11
Collage Robert Ménard (à gauche)-Mourad Boudjellal (à droite)

A la suite de l’élection de Robert Ménard – soutenu par le FN – à la mairie de Béziers (Hérault), le président du club de rugby de Toulon, Mourad Boudjellal, a décidé d’annuler le match amical qui devait opposer son équipe à celle de Béziers début juillet. Ou quand le sport devient une arme politique.

Le 23 mars,  Robert Ménard, candidat soutenu par le Front national, arrive en tête du premier tour des élections municipales à Béziers avec 44,88% des voix, devant Elie Aboud (UMP) et Jean-Michel Du Plaa (PS-EELV). Le sang de Mourad Boudjellal, président du club de rugby de Toulon (RCT), ne fait qu’un tour. Deux jours plus tard, il annonce son intention, en cas de victoire de Ménard au second tour. d’annuler le match amical que le RCT devait jouer contre l’équipe de rugby de Béziers (ASBH) à Béziers début juillet. On connaît déjà la suite : la liste menée par le fondateur de Reporters sans frontières remporte l’élection avec 47,4% des voix. Mourad Boudjellal tient parole et confirme l’annulation du match.

Le coup est rude pour l’ASBH : la rencontre avait été organisée pour donner un coup de pouce financier au club biterrois (désormais en D2), Mourad Boudjellal ayant décidé de lui laisser l’intégralité des recettes. Joint par téléphone, le président du club de Toulon nous explique :

“Je voulais faire comprendre aux Biterrois qu’ils ont fait un choix qui est de voter FN et que nous on en a fait un autre qui est de ne pas déplacer une équipe multiraciale comme celle que j’ai construite à Toulon dans une ville qui vote FN. Ils envoient le message que les étrangers ne sont pas les bienvenus… on a compris, on ne viendra pas !”

Depuis, Mourad Boudjellal reçoit deux à trois courriers anonymes par jour. “Ce matin, c’était “bobo millionnaire non, sale arabe oui”. Ils ont tous la même conclusion: “Vive Marine Le Pen”“. Les insultes ne le touchent plus et le jeu valait de toute façon bien la chandelle. Car pour lui, le sport est intrinsèquement politique: ”Si demain on doit jouer un top 14 dans un pays en guerre ou dans un monde où les Blancs peuvent s’asseoir dans le bus et les Noirs non, vous croyez qu’on aura le même plaisir ? Non.

On ne peut s’empêcher de faire un parallèle avec les J.O d’hiver de Sotchi, menacés par des appels au boycott, et auxquels certains dirigeants – comme Barack Obama ou David Cameron- avaient soigneusement évité de se rendre. Sans surprise, Mourad Boudjellal a un avis bien tranché sur la question:

“Bien sûr que moi j’aurais boycotter ces jeux! Comment ne pas boycotter un pays où on a vu les Femen se faire matraquer à coups de nerfs de bœufs? Quand on voit ça, on doit immédiatement quitter le pays.”

“Boudjellal-Olivier Py: même combat”

Quelle relation le sport entretient-il avec le politique? Constitue-t-il une arme au même titre que le boycott, ou doit-il s’en tenir à une exigence de neutralité? Patrick Clastres, chercheur à Sciences-Po et spécialiste de l’histoire du sport, explique que le sport est intrinsèquement politique tout en cherchant à ne pas l’être: “Contrairement au monde de l’art, il y a une sorte de loi du silence politique dans le sport. Un dirigeant sportif n’a pas le droit d’avoir des idées politiques parce qu’on part du principe que le sport doit être neutre dans la mesure où c’est un lieu de brassage, de rencontres.” Pour lui, la prise de position de Mourad Boudjellal fait écho à celle du directeur du festival d’Avignon, Olivier Py:

“On voit souvent le sport comme quelque chose de marginal, d’exotique car les sportifs se taisent, contrairement aux artistes. Mais là, Boudjellal-Olivier Py : même combat!”

Le monde du sport s’exprime rarement sur des questions politiques car les chartes des fédérations sportives internationales tout comme celle du CIO contiennent des clauses de non-discrimination. En clair: le sportif et son club ne peuvent pas refuser une rencontre sur la base de désaccords idéologiques ou politiques. Ainsi, si le match Béziers-Toulon n’avait pas été strictement amical, la fédération française de Rugby aurait pu prendre des sanctions contre le RCT et son président. Par le passé, certains ont malgré tout bravé ces interdictions. En 2004, le judoka iranien Arash Mir-Esmelli avait préféré déclarer forfait plutôt que d’affronter un judoka israélien, lors des J.O d’Athènes. En octobre dernier, la Fédération tunisienne de tennis avaient demandé au tennisman tunisien Malek Jaziri de déclarer forfait pour ne pas disputer les quarts de finale du tournoi de Tachkent (Ouzbékistan) contre l’Israélien Amir Weintraub.

L’équipe de campagne de Robert Ménard n’a pas souhaité commenter l’annulation du match amical.

le 05 avril 2014 à 14h11
 


05/04/2014

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