Outre ses demandes jadis d’interdiction des rave-parties sur le territoire national, on connaît depuis des années les déclarations nauséabondes du député UMP (tendance « Droite populaire ») Thiery Mariani sur l’immigration. Longtemps élu du Vaucluse, département récemment re-baptisé « Facholand » car la bagarre avec le FN y est particulièrement âpre, il a fui aux dernières législatives de juin 2012 sa circonscription d’origine, celle comprenant la bonne ville d’Orange – qu’a alors ravi son maire d’extrême-droite depuis 1995, Jacques Bompard – pour se faire élire dans la circonscription Asie-Océanie des Français de l’étranger (qui se sont d’ailleurs abstenus pour 74% d’entre eux). Il n’empêche, l’ancien ministre des Transports de Nicolas Sarkozy se fait fort de coller aux thèmes chéris du Front national, goûtant les propositions ultra-sécuritaires et ultra-répressives envers les sans-papiers.
Dernier en date de ses éclats de voix, l’ « expert en polémique sur l’immigration », comme l’a qualifié il y a quelques jours le journal gratuit 20 Minutes, pourtant peu connu pour un gauchisme virulent, l’a commis sur Twitter, en visant délibérément la « Journée commémorative du souvenir de l’esclavage et de son abolition ». En 2006, celle-ci a en effet été fixée le 10 mai par Jacques Chirac, alors président de la République, sur proposition de l’écrivaine antillaise Maryse Condé, présidente du Comité pour la mémoire de l’esclavage, car date d’adoption de la loi Taubira de 2001 « reconnaissant les traites et les esclavages comme crime contre l’humanité ».
Embarrassant visiblement bon nombre de responsables de son propre parti jusqu’à son président Jean-François Copé (et particulièrement son conseiller politique délégué à l’outre-mer, Patrick Karam), le député Mariani a donc tweeté mercredi 7 mai le délicat message suivant : « #Nigeria, l’enlèvement par secte #BokoHaram rappelle que l’Afrique n’a pas attendu l’Occident pour pratiquer l’esclavage », allusion distinguée à la volonté de vendre comme esclaves les lycéennes enlevées par le chef de la secte fondamentaliste armée nigériane Boko Haram. Et Mariani d’ajouter en fin de tweet :« #déculpabilisation »…
Or, ce dernier terme renvoie exactement aux précédentes campagnes contre les lois mémorielles et, particulièrement, la Journée de commémoration de l’esclavage, régulièrement lancées par le Front national, les milieux nostalgiques de l’OAS et de l’Algérie française, ou des groupuscules en tout genre de la pire extrême droite type Bloc identitaire (là où le nouveau maire de Béziers, Robert Ménard, recrute ces jours-ci ses plus proches collaborateurs, trop « radicaux » pour le vice-président du FN et compagnon de Marine Le Pen à la ville, Louis Alliot).

Franck Briffaut, maire FN de Villers-Cotterêts (FRANCOIS NASCIMBENI / AFP)
Au-delà de cette campagne nauséabonde, on se reportera utilement à l’ouvrage, paru le mois dernier, d’Olivier Grenouilleau, Qu’est-ce que l’esclavage ? Une histoire globale (Gallimard, 420 p., 23,50 euros). S’il montre que l’esclavage, œuvre de négation de l’humanité de « l’autre », a existé sur la plupart des continents au moins à partir du troisième millénaire avant Jésus-Christ, l’auteur pointe surtout comment chaque civilisation a toujours tenté de se justifier en la matière par rapports à ses voisines par un« chez les autres, c’est toujours pire »… Mais souligne le caractère quasi industriel, le volume incroyable et surtout la longévité de la traite transatlantique, qui dura plus de 400 ans…
A Villers-Cotterêts est en effet inhumé le général Dumas, mort en 1806, premier gradé d’origine antillaise de l’armée française, né esclave à St-Domingue, et père de l’auteur – mulâtre – des Trois Mousquetaires (comme s’en vante la ville sur une pancarte le long de la Nationale 2 pour les automobilistes en provenance de Paris). Aussi, depuis 2007, chaque 10 mai, la préfecture de l’Aisne et la municipalité commémoraient le crime de l’esclavage et son abolition, en organisant une cérémonie devant la plaque apposée en centre-ville en l’honneur du général noir. Pas cette année. Le vernis de respectabilité voulue par la direction du FN quant à ses édiles fraîchement élus a déjà craqué. Ça promet.