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Publié le 10-04-2014 à 16h30 - Modifié à 20h09

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Robert Ménard, alors en tête du 1er tour des municipales à Béziers, le 23 mars 2014 (A. ROBERT/SIPA).

Je suis ra-vie, véritablement ra-vie. Imaginez un peu que les nouveaux maires FN aient, une fois élus, pris comme première décision de faire baisser les impôts de 20%...

Ou bien qu'ils aient mis en place des mesures (lesquelles, ça c'est une autre histoire) d'aide à l'emploi ? Ou mieux encore, qu'ils aient imposé des logements décents aux mal-logés, des repas chauds et des lits pour les sans abris ? Bref, qu'ils aient fait ce qu'ils avaient pourtant juré pendant leurs campagnes, à savoir s'occuper avant tout de leurs concitoyens et de leurs problèmes urgents.

Mais ouf. Heureusement, on ne change pas une équipe qui gagne, et les nouveaux maires FN (y compris Robert Ménard, qui a beau dire qu'il n'a rien à voir avec le FN, les faits sont légèrement contre lui) ont fait la seule chose qu'ils savent faire. La haine, le rejet de l'autre.

À Hayange, on parle drapeau et mendicité

Pour eux l'urgence, ce n'est pas que les habitants d'une petite ville comme Hayange – qui crève par manque de boulot, mais certainement pas par trop d'agressions ou d'insécurité – retrouvent avant tout du travail et du pouvoir d'achat.

Pour le nouveau maire de Hayange – viré de la CGT après son engagement au FN – l'urgence, c'est de mettre le drapeau français sur la mairie, balancer davantage de policiers municipaux dans les rues de sa ville et de rétablir les arrêtés anti-mendicité.

"Nous nous engageons [...] à faire respecter l’interdiction de consommer de l’alcool sur la voie publique, mieux organiser les passages de la police municipale dans les commerces et les quartiers, faire voter un arrêté pour interdire la mendicité agressive en ville."

C'est qu'on a le sens des priorités chez les frontistes, pour sûr.

À Hénin-Beaumont, on vire la Ligue des droits de l'homme

Même chose à Hénin-Beaumont où le petit esprit revanchard de Steeve Briois lui a fait perdre ses nerfs républicains et démocratiques. Il a donc décidé de priver la LDH de son local et de ses mirifiques subventions annuelles (qui s'élèvent à 300 euros). Briois est même allé jusqu'à leur réclamer 36.000 euros de loyers rétroactifs. Plus c'est gros, plus ça passe.

Espérons que Steeve Briois continue bien sur la lancée, tout comme ses petits camarades qui n'ont d'autre urgence que d'interdire la construction d'une mosquée (bouh les vilains musulmans qui viennent voler-les-petits-pains-au-chocolat-de-la-bouche-de-nos-enfants-ah-non-mince-ça-c'est-l'UMP) ou d'interdire les salles de prières.

À Mantes-La-Ville, on n'aime pas trop les salles de prière

Tout comme Cyril Nauth, qu'une salle de prières musulmane défrise au point qu'il souhaite mettre un terme au projet "dans les voies réglementaires", dans sa ville de Mantes-La-Ville, tout en affirmant sans rire :

"Tous les habitants seront traités à égalité [...] sans distinction de race, de couleur de peau ou d'origine ! Je ne suis pas à la tête d'une secte. Les seules couleurs qui comptent sont celles de la République."

En joie, je vous dis. Tout cela me met en joie.

À Béziers, on n'assume toujours pas

Chez Robert Ménard, à Béziers, c'est le pompom. Au manège de la haine, il a décroché la queue du Mickey.

Sa première mesure ? En finir avec le halal dans les cantines. Manque de bol (et d'info... comble pour un ex-journaliste), il n'y en a jamais eu à Béziers. Il est beau l'ancien héros de la liberté d'expression, de la démocratie et du monde libre. 

Elle est belle la marionnette honteuse de Marine Le Pen, qui n'en peut plus de nier maladroitement ses liens avec le Front national sur l'air suivant : "Mes colistiers sont apolitiques, le FN n'est qu'un parti qui nous soutient parmi d'autres" (dont Debout La République, de Nicolas "Don Quichotte" Dupont Aignan... l'autre versant Canada Dry du FN). 

Une vraie vierge outragée des valeurs républicaines, le Robert durant toute la campagne. Ce qui lui importait, c'était le bien être des habitants de Béziers, certainement de revenir aux vieilles antiennes xénophobes et islamophobes du FN, bien évidemment. Loin de lui l'idée de s'attaquer au cochon dans les cantines avant son élection.

Un cochon que Marine le Pen a rappelé vouloir imposer dans les cantines, ou tout du moins interdire de l'interdire. C'est donc officiel, en plus de vouloir l'imposer dans les assiettes des enfants, c'est bien nous (et ses concitoyens) que l'ami Ménard prend pour des jambons. 

Et pendant ce temps-là, Philippot patine dans le couscous

Les premières décisions de tous ces maires en disent long sur leurs principales préoccupations, et sur l'idée qu'ils se font de celles de leurs concitoyens. Mais elles lèvent aussi les derniers doutes sur leur bien commun à tous, quels que soient leur parcours, leur passé, leurs origines : diviser, ostraciser, désigner des coupables forcément un poil basané et si possible musulman, faire peur, faire détester, partager la haine de l'autre en héritage. Se faire passer hypocritement pour proche du peuple alors qu'on n'est que démago... Et sitôt élu, retrouver son vrai visage. Pour le côté proche du peuple, on repassera. 

La réaction de Florian Philippot, qui accuse les médias de "fliquer" ses petits protégés, est en elle-même toute aussi révélatrice et amusante. Il utilise ainsi la bonne vieille technique de la meilleure défense, à savoir l'attaque – préférant condamner une critique de caste et prétendre qu'interdire les menus halal est un geste "patriotique".

En même temps, on le voit mal dire que les premières mesures prises par les maires FN sont tout bonnement xénophobes, idiotes, sans intérêt au regard des vraies priorités, et surtout majoritairement tournées contre la communauté musulmane.

Franchement, voir les nouveaux maires enfoncer les portes ouvertes de leur petite haine habituelle et voir Philippot pédaler ainsi dans le couscous, oui, ça me rend joyeuse.

Car avec des amis comme cela, clairement, le FN n'a plus besoin d'ennemi. S'ils sont assez bêtes pour se tirer des balles dans les pieds (cela dit, ils ne sont pas les seuls à jouer à ce jeu-là), pourquoi ne pas les laisser faire, s'en féliciter, et attendre tout bonnement de voir un jour le cadavre passer sur la rivière.
 

Personnellement, j'attends.