Unis Contre l'Extrême Droite

Unis Contre l'Extrême Droite

Le fn est un parti comme les autres partis...d'extrême droite!

http://tempsreel.nouvelobs.com/elections-municipales-2014/20140328.OBS1783/comment-lutter-contre-le-gentil-front-national.html

 

Comment lutter contre le "gentil" Front national ?

Laurent Joffrin

Les habits neufs d'enfant de Marine rendent moins simple la bataille contre le parti d'extrême droite. Mais il reste tout de même des armes.

Marine Le Pen (AFP PHOTO KENZO TRIBOUILLARD) Marine Le Pen (AFP PHOTO KENZO TRIBOUILLARD)

C'était tout de même plus simple quand il avait l’air méchant, quand sa vraie nature était bien visible, quand il multipliait les provocations xénophobes ou antisémites.

Mais le Front s'est couvert d'une frange blonde et avenante ; il a mis ses habits neufs d'enfant de Marine. Le loup s’est déguisé, non pas en grand-mère, mais en brave fille réaliste, souriante et énergique.

Les beaux jours de l'anti-lepénisme seraient-ils derrière nous ? Le Front promet que les municipalités par lui gérées le seront en bon père de famille, que les censures de bibliothèque, les épurations culturelles, les discriminations dans la répartition des subventions, naguère pratiquées, ne se reproduiront pas. Il s’indigne du procès ouvert par Olivier Py, le peu adroit directeur du festival d’Avignon et jure ses grands dieux qu’il ne sera pas le fossoyeur de la culture. Il annonce que ses maires célébreront les mariages homosexuels en bons édiles républicains, respectueux des lois, même celles qu'ils réprouvent.

Le FN prévoit en un mot de faire ses classes de parti gestionnaire comme les autres. Il gomme les aspérités de son programme, prend le ton patelin des vainqueurs généreux, se pare de probité candide et de lin blanc. Du coup, sa victoire au premier tour des municipales ne suscite aucun effroi visible et le Front républicain, agité comme une amulette par le Parti socialiste, est récusé par l'UMP sans que les démocrates s'émeuvent outre mesure.

Faut-il... ?

Alors faut-il ranger les drapeaux de l'antifascisme, faire taire toute indignation, mettre au rancart manifs, tracts vengeurs, conférences pédagogiques, rappel des "heures les plus noires de notre histoire", bref accorder au Front national, comme il le demande à cor et à cri, son brevet de parti comme les autres ? C'est là où tout se complique.

Bien sûr les leçons de vertu tombent à plat. Bien sûr les envolées morales sonnent le creux. Bien sûr il y a une forme d'antiracisme qui a fait son temps, qui fut précieux dans les années 1980 mais qui n'est plus de saison au milieu d'une crise aussi dure et d'un tel discrédit des élites gouvernantes. Bien sûr c'est aux responsables de faire enfin leurs preuves, de réhabiliter la politique par le résultat, de rétablir le crédit de l'action publique par l'exemple et de mener une lutte enfin pertinente contre la crise.

Mais en attendant que l'économie se rétablisse, que l'Europe se ressaisisse, que le civisme renaisse, que les tensions communautaires s'apaisent, que l'ouverture des frontières fasse moins peur - et tout cela prendra un certain temps - faut-il rester les bras croisés ? Faut-il vraiment banaliser un parti qui fait des immigrés la cause principale des difficultés françaises, au mépris de la réalité ? Faut-il admettre cette politique du bouc émissaire quand les exemples étrangers montrent que les pays les plus ouverts à l'immigration ne sont pas ceux qui vont le plus mal, bien au contraire ?

Faut-il consentir à un programme qui prévoit de ramener le droit d'asile, pilier des valeurs démocratiques universelles, à la portion congrue, qui préconise les moyens les plus durs pour lutter contre les sans-papiers, allant jusqu'à proscrire toute manifestation de soutien à ces damnés de la mondialisation ? Faut-il sortir de l'euro et de l'Europe pour rétablir la fermeture des frontières, et détruire ainsi l'oeuvre de plusieurs générations, alors que cette construction fragile et improbable garantit, tant qu'elle est là, la paix aux générations futures ?

Un parti comme les autres partis... d'extrême droite

Ceux qui apprécient, malgré la perte de mémoire contemporaine, ce formidable documentaire sur la guerre de 1914 intitulé "Apocalypse", comprendront de quoi on parle... Faut-il souhaiter, comme Robert Ménard, futur édile de Béziers, rétablir au plus vite la peine de mort, proscrite à l'échelle européenne et s'affranchir pour cela des prescriptions de la Convention européenne des droits de l'Homme ?

Faut-il se rallier à une politique étrangère qui ferait de la France l'alliée de Poutine, l'amie d'Assad, la Ponce Pilate de tous les massacres, l'adversaire des révolutions arabes et la nostalgique de tous les dictateurs déchus, qui ferait de Paris la Mecque de tous les national-populistes d'Europe, la nouvelle Rome des xénophobes ? Le Front national est effectivement un parti comme les autres. Comme les autres partis d'extrême droite...

Ceux qui prétendent le contraire ne le font pas par lucidité, par réalisme, ou par une suprême habileté. La plupart du temps, ils veulent favoriser sans le dire l'intégration du FN au jeu républicain, c'est-à-dire, à terme, l'alliance entre les frontistes et l'UMP, en bloc ou en détail, qui donnerait à la droite très dure une majorité dans le pays.

Pour l'instant, gaullistes, libéraux ou démocrates-chrétiens, conscients et courageux dans ce domaine, refusent cette perspective. Les démocrates doivent redouter le jour où cette ultime barrière sera tombée.

Et pour écarter cette sinistre perspective, il nous reste non les armes de la déclamation morale, de la rhétorique, de l'emphase et de la bonne conscience, mais celles de l'explication inlassable, de la délibération rationnelle, calme, précise et intraitable. La seule qui vaille en démocratie.

Laurent Joffrin - Le Nouvel Observateur



29/03/2014

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 52 autres membres